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Aperçu de la

ville de Mitrovica

Photo accueil Kosovo

KOSOVO

 

Une guerre aux portes de l'Europe. Des milliers de morts, des centaines de milliers d'Albanais déplacés. Au Kosovo, les armes ont été déposées en 1999. Neuf ans plus tard, en 2008, la province a déclaré son indépendance, gagnant la reconnaissance de la plupart des puissances occidentales. Amère, la Serbie n'a toujours pas accepté la souveraineté du Kosovo. Entre Albanais et Serbes, les tensions sont toujours vives, malgré de nombreux efforts. La Serbie doit assouplir sa diplomatie si elle veut intégrer l'Union européenne...

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IL EST UN PONT SUR L'IBAR

Au Kosovo, dans la région nord à majorité serbe, la ville de Mitrovica est coupée en deux. Une cité symbole des tensions persistantes entre musulmans et orthodoxes, quinze ans après la guerre. Un pont sur la rivière Ibar sépare ces deux communautés. Les Serbes, minoritaires, vivent recroquevillés au nord.

À l’heure où la Serbie tente de rejoindre l’Union européenne, le cahier des charges requiert une amélioration des relations entre le Kosovo et la Serbie. Mais comment réconcilier deux populations avec autant de différences culturelles, religieuses, et qui vivent encore avec le poids des souvenirs de la guerre ? Peut-être grâce au Centre de médiation de Mitrovica. Là, des Albanais et des Serbes travaillent conjointement pour améliorer les relations. Zana Syla, 22 ans, originaire de la ville, est gérante de projets au centre. « C’est compliqué d’appréhender ce que les gens ressentent. Les populations ne se comprennent pas. Elles vivent dans un système où beaucoup de gens sont fermés au dialogue et pensent d’une certaine manière. L’environnement est hostile », explique-t-elle dans un anglais parfait.

Spécialistes du droit, les médiateurs du centre travaillent sur des litiges et des affaires pénales entre les deux bords. « Nous tentons également de créer de la communication entre Serbes et Albanais, de leur faire savoir ce que les communautés pensent l’une de l’autre. Nous essayons de faire en sorte qu’elles arrêtent de se voir comme des ennemis. » Car le sentiment général est que les deux populations se craignent, parfois à tort. L’envie de renouer est là, mais musulmans comme orthodoxes redoutent la réaction de l’autre. « Le temps fera le travail, se rassure Zana. On conseille aux jeunes de parler à ceux qui sont de l’autre côté. Ce qu’on leur dit, c’est « Exposez-vous au changement. Traversez le pont ! ».

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À quelques dizaines de mètres au-dessus du sol, un engin volant avance avec certitude. Le bruit de ses hélices vient du Sud ; sa direction est celle du Nord. Après quelques secondes de surplace, le drone se pose juste au bord de la rivière Ibar qu’il vient de traverser, par-dessus la passerelle métallique aux arcs blancs. Un pont à l’allure moderne qui sépare les deux rives de la ville de Mitrovica, au Kosovo. Ce drone est le seul engin qui traversera l’Ibar. Ce jour-là, mais aussi lors des prochaines semaines. Car ce pont ne relie personne. Au contraire. Des barrières et des blocs de béton empêchent le passage des véhicules. Construit en 1999, il est l’emblème d’une ville symbole de la division entre deux peuples. Au Sud vivent les Albanais musulmans, soit les trois quarts des 71.000 habitants recensés en 2011. Au Nord, des Serbes, slaves et orthodoxes.

 

Les Albanais sont en majorité à Mitrovica. Une cité à part dans cette région nord du Kosovo, où 95% des habitants sont slaves. Ce sont bien des drapeaux frappés de l’aigle à deux têtes, l’étendard serbe, que l’on voit flotter de ce côté-ci du cours d’eau. Les symboles nationaux, les couleurs rouge, bleue et blanche contrastent avec la grisaille citadine. Mitrovica est l’exemple même de la complexité de la répartition géographique des populations dans les Balkans. « Les relations sont bonnes », nous glisse pourtant Miljan Vanjic. Ce Serbe, 26 ans, blond aux yeux clairs, se veut rassurant. « Il n’y a plus de violences même si on ne se côtoie pas. » Malgré les apparences, difficile de parler d’entente cordiale.

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Au fur et à mesure des conversations, les tensions semblent, en réalité, prendre toute leur place au quotidien. « Il y a quelques jours, j’ai vu un groupe d’Albanais ici, à Mitrovica nord. Un Serbe leur a dit « Rentrez chez vous ! ». De plus en plus d’Albanais viennent ici, mais ils se font parfois « agresser », constate Miljan. Il n’est pas non plus bien vu pour un Serbe de se promener avec des Albanais. Des collègues, la plupart du temps, puisque le travail semble être le seul véritable pont entre les deux populations. Les anecdotes de coups et d’insultes ne manquent pas. Tout comme les incendies et autres dégâts sur les voitures. Pour remédier au problème, la plupart des véhicules roulent sans plaques d’immatriculation. Le malaise est omniprésent.

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"TRAVERSEZ LE PONT !"

Une dizaine de mètres est nécessaire pour voir les différences entre Serbes et Albanais. Il suffit de traverser le pont. Au Sud, les panneaux sont en alphabet latin. Le cyrillique a totalement disparu. On ne dit plus « Kosovska Mitrovica », mais « Mitrovicë ». Les rues portent le nom de « Mulla Mustafë Vidishqi » ou encore de « Sherif Jusufi ». Au premier carrefour, la mosquée Xhamia e Zallit, visible depuis le passage sur l’Ibar, se dresse pour marquer un territoire. À l’appel de la prière, le muezzin est audible dans toute la vallée. Dans les magasins, les prix sont affichés en euros. Les Albanais du Kosovo se sentent proches de l’Union européenne et des États-Unis depuis le soutien apporté par l’Occident durant le conflit en 1999. Ici, à Mitrovica sud, on n'oublie pas le passé. La haine envers les Slaves est importante. « Durant la guerre, ils ont violé nos sœurs, raconte Valon Beshiri, la quarantaine. Mon oncle a été tué et démembré. Les Serbes ne sont pas de bonnes personnes ».

Quelques pas sur le pont au-dessus de l’Ibar et Miljan fait déjà demi-tour. « Pourquoi se mélanger ? Je ne sais pas… » Miljan réfléchit un instant alors qu’il tente d’éviter une des voitures zigzaguant dans les rues mal dessinées de Mitrovica nord. « Ce serait trop bizarre. Culturellement, nous sommes différents. C’est dur à expliquer, je ne peux pas parler serbe là-bas. Alors je n’y vais pas. » Dans cette ville, les anciens le maîtrisent. Même côté albanais. Mais aujourd’hui, les jeunes des deux bords ne parlent plus que leur langue natale. Le peu de contact avec la population de la rive opposée se fait en anglais.

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LA PEUR DU VIDE

Côté serbe, rejoindre l’UE fait plus de sceptiques qu’ailleurs en Serbie. Après le bombardement de la ville par l’Otan et la présence de l’ONU via la KFOR (la Force pour le Kosovo), responsable du maintien de la paix sur les rives de l’Ibar, les institutions européennes ne sont plus les bienvenues. Au nord du cours d’eau, une bicoque d’un seul étage. Une barrière en bois à hauteur de tibia délimite difficilement le terrain qui entoure la maisonnette. Au Kulturno Sklonište Bes-i-misao, foyer artistique, tout le monde est le bienvenu, tant que la musique, la littérature, le cinéma, ont leur place dans le cœur du visiteur. Aux murs de ce cocon de culture si chaleureux, des toiles contemporaines d’artistes locaux, mais aussi le portrait du fameux scientifique slave Nikola Tesla. Stefan, 29 ans, tente à travers ce lieu atypique de dynamiser la jeunesse de Mitrovica.

Au « Shelter », comme l’appellent en anglais les jeunes qui l’occupent, les discours laissent apercevoir le malaise d’une nouvelle génération. Une jeunesse désabusée, coincée entre un héritage sombre et un avenir qui semble s’éclaircir péniblement. Les envies d’avancer et l’ouverture sur le monde sont bel et bien là, l’énergie n’a rien à envier à une bobine Tesla, mais elle apparaît bridée par cette chape du passé. Un passé si récent à l’échelle de l’Histoire qu’il fait encore partie du présent. Une sonate de Claude Debussy sort des enceintes. L’art français n’est jamais loin. « La France et l’Occident ont toujours été nos alliés durant les deux guerres mondiales. Mais l’UE a reconnu le Kosovo. Nous nous sentons trahis », confie Stefan. Même si la perspective de voir sa grand-mère à Paris sans avoir besoin de visa, l'incite à être en faveur de l'adhésion à l’UE.

 

Un morceau de Piotr Ilitch Tchaïkovski, le maître russe de la musique classique, retentit dans la pièce. Tiraillé entre l’Europe et la Russie, deux puissances qui tentent de le séduire, Stefan est à l’image de sa génération. « Nous, les Serbes, avons peur de perdre notre culture. Il ne faut pas oublier que nous sommes les alliés des Russes. Ils nous ont toujours soutenus et nous ne voulons pas nous éloigner d’eux. » Le jeune artiste nous montre sa collection de livres en cyrillique. Dans la bibliothèque trône le chef d’œuvre d’Ivo Andric, prix Nobel de littérature en 1961, Il est un pont sur la Drina. Une chronique d’une bourgade sur une rivière, aux confins de la Bosnie et de la Serbie. Une passerelle, carrefour de cultures. Tout le contraire du pont sur l’Ibar, à Mitrovica.

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