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Dans l’Est de la Serbie, la mine de Bor extrait une quantité de cuivre qui lui permet d’être, aujourd’hui, l’une des plus grandes d’Europe. Décennie après décennie, la ville qui s’est développée autour d’elle est devenue prospère. Là-bas, la nécessité d’intégrer l’Union européenne se fait moins ressentir que dans la capitale. Reportage dans une cité minière où près de 80 % de la population dépend des cours du cuivre.

À coups de pioche

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Il est 15h30 et la nuit commence déjà à tomber sur Bor. Le portique d’entrée franchi, l’avenue principale de la ville laisse apparaître ses larges blocs d’immeubles. L’ambiance est pesante, le parcours déjà tracé. Dans cette ville linéaire, seule la boue qui s’accumule sur la route lorsque l’on s’approche des lointaines cheminées fait tâche. Statues d’ouvriers, camions de chantier et larges drapeaux. La ville sait qu’elle doit son existence à sa mine. Et elle l’affiche. Découverte par des Français en 1903, c’est cette mine qui a permis à Bor de prospérer. La compagnie qui l’exploite, la RTB, règne toujours en maître sur la région. « L’ampleur de notre activité économique nous fait peser dans la région, mais aussi dans toute la Serbie », estime Gorica Tončev Vasilić, une ancienne journaliste locale reconvertie chargée des relations publiques à la RTB.

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Dès le premier rond-point, les choses sont claires : on se trouve ici dans une ville minière. En atteste cette statue de mineur, qui tourne sur elle même en continu.

 

LE BON FILON

 

1 milliard 235 millions de dollars. Voilà le capital de ce mastodonte du cuivre. Club de foot, routes, salles de sport… « Environ 25 % du budget de la ville provient des taxes payées par la RTB », indique Aleksandar Milikić, le maire de Bor, fraîchement élu sous l’étiquette du Parti progressiste serbe (SNS) du président Vučić. La ville s’est nichée sur un plateau, entre des collines et les importantes crevasses laissées par l’exploitation des mines. Sur l’un de ses flancs, près de l’avenue principale, une pharmacie flambant neuve du groupe Viva. Ivana Janjic, la petite trentaine, y travaille depuis huit mois. « Je n’ai pas prévu de m’éterniser à Bor, lance-t-elle. Ce n’est pas une ville très intéressante lorsque l’on est jeune. »

 

Si la cité minière est déjà peu animée, la qualité des services publics n’aide pas à la rendre attrayante. « Il n’y a qu’à regarder le peu de renouvellement dans les livres proposés par la bibliothèque. Les gens n’ont pas l’air de s’intéresser à la culture », regrette la pharmacienne. Pourtant, Bor jouit d’une bonne santé économique. Les ouvriers de la mine sont payés 60 000 dinars par mois en moyenne – environ 550 euros. Un salaire bien au-dessus de la moyenne nationale, située autour de 350 euros. « Bor compte 27 pharmacies. C’est énorme pour 34 000 habitants, note Ivana Janjic. Les chaînes de pharmacies ont compris qu’il y avait un marché. »

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La ville de Bor ne manque pas de pharmacies (apoteka en serbe), elle en compte 27 au total. D'après Ivana Janjic, cette abondance s'explique par le revenu des habitants de la ville, bien plus élevé que la moyenne nationale.

 

Quelques mètres plus loin, les jeunes se retrouvent au Hollywood, le bar branché. Milica Blagojević y travaille tous les soirs, en tant que serveuse. À 24 ans, elle étudie le management industriel à l’université de la ville. « À Bor, la vie est bien plus agréable aujourd’hui qu’il y a six ans », juge-t-elle. Ici, la majeure partie des 400 étudiants est originaire de la région. L’influence de la mine les a incités à se diriger vers une carrière dans l’industrie. « Je ne compte pas quitter Bor, je m’y sens bien, assure pour sa part la serveuse. Les opportunités de travail ne manquent pas pour un diplômé du secteur industriel. »

 

Des opportunités, la RTB estime qu’il y en aurait « davantage si la Serbie intégrait l’Union européenne ». L’Allemagne et la Turquie sont aujourd’hui ses principaux clients. « L’accès au marché unique serait très utile pour les affaires du groupe, projette Gorica Tončev Vasilić. Et nos mines sont déjà en conformité avec les législations européennes sur l’environnement et la sécurité. » Paradoxalement, loin des grandes villes, les habitants ne voient pas tous l’entrée de la Serbie dans l’UE d’un bon œil. « Je ne pense pas que ce soit une bonne chose pour la Serbie, estime Milica Blagojević, en regardant une bande de chiens errants passer. Nous souffrons déjà d’une expatriation massive des jeunes, cela ne ferait qu’amplifier le phénomène. La Serbie perdrait ses talents. » À l’image de la Serbie, Bor est tiraillée entre Est et Ouest. La ville ne sait pas où donner de la tête, attachée aux valeurs et richesses de l’Orient et sensible à l’incroyable opportunité économique que représente l’Occident.

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La compagnie RTB Bor est spécialisée dans l'extraction et la fonte de cuivre et d'or. Son importance est régionale mais aussi nationale. En tout, la mine emploie 5 000 personnes. 

 

© RTB Bor

 

PLACER SES PIONS

 

Il faut dire que pour le gestionnaire de la mine, l’horloge tourne. L’État serbe a déjà tenté de vendre ses parts de l’entreprise à trois occasions ces dix dernières années. La RTB traversait alors une période de turbulences, confrontée à une chute du prix du cuivre et à un manque d’investissements. « L’État n’est plus vendeur aujourd’hui, certifie Aleksandar Milikić, dans son costume bleu flambant neuf. Depuis quelques années, le cuivre a repris de la valeur et la ville des couleurs. » Un partenariat public-privé serait la piste principale de la RTB, actuellement en pourparlers avec des investisseurs chinois, russe et canadien. « La candidature du chinois Hunan Gold group est en bonne position pour l’emporter », glisse Gorica Tončev Vasilić. Cette stratégie permettrait à la mine de continuer à faire les beaux jours de l’État serbe, tout en poursuivant sa croissance. «Les entrées d’argent n’auront pas vocation à sauver l’entreprise mais à permettre d’étendre les zones d’exploration », détaille la chargée des relations publiques.

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À Bor, des panneaux placés un peu partout dans la ville donnent l'identité des personnes décédées récemment.

 

De son côté, Aleksandar Milikić a de quoi se réjouir. Une nouvelle mine a récemment été mise au jour et assurera la prospérité économique de Bor pour les années à venir. C’est l’un des arguments de la mairie pour inciter les jeunes à rester dans la région. « Le futur de la ville continuera de se jouer autour du secteur minier », garantit Aleksandar Milikić.  Développer le tertiaire fait néanmoins partie des priorités.

 

Nul besoin d’attendre l’Europe pour démarcher les investisseurs étrangers. Le maire pèse déjà de tout son poids. « Nous avons commencé à travailler sur l’implantation d’un site d’Alibaba, un groupe chinois de commerce en ligne », se félicite le politicien dans un anglais pourtant approximatif. Aleksandar Milikić voit sa ville ouverte sur le monde. Mais il aime autant que le monde vienne à lui. « Nous souhaitons que les jeunes de Bor restent à Bor », avoue-t-il à demi-mot. Pour les convaincre, le maire tend une carotte. Chaque jeune qui créera une entreprise en ville pourra prétendre à une aide de 1 700 €. Les prémices d’une politique de l’après-mine, quand les ressources auront toutes été épuisées.

ÉCONOMIE

 

 

Entrer ou non dans l'Union européenne représente un choix crucial pour la Serbie. D'un côté, la perspective d'intégrer la première zone économique mondiale. De l'autre, préserver ses liens avec la Russie, son ami historique.

 

Ce dilemme transparaît dans la ville de Bor. Alors que sa célèbre mine de cuivre voit un intérêt économique à accéder au marché unique, les habitants craignent une fuite des talents. Cette expatriation des jeunes serbes a déjà commencé. Ils sont nombreux à quitter le pays, même dans la capitale, dans l'espoir d'une vie meilleure.

 

 

 

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